Pierre Reverdy (1889-1960) déclarait volontiers que sa fierté était de vivre dans le silence. Détestant l’anecdotique, le pittoresque, le pathétique de vitrine, les indiscrétions abusives, il fut « avare », on le sait, de renseignements et d’écrits autobiographiques. Il pensait que nul ne se connaissait soi-même et qu’au demeurant l’œuvre d’un homme était sa meilleure réponse aux questionnaires ou essais biographiques. Reverdy avait du mal à appréhender le réel, et une difficulté encore plus grande, peut-être, à se contenter du faux-semblant, de cette broderie déconcertante que trament pour eux et pour les autres, dans le monde des arts, tant de mythomanes. Reverdy disait que sa vie était « obscure, sans éclat, sans couleurs éblouissantes ». Il put ainsi écrire dans le prière d’insérer des Épaves du ciel (1924) : « Pierre Reverdy, né à Narbonne le 13 septembre 1889. Pas de voyages, pas d’aventures, pas d’histoire, mais que d’histoires ! » Poète de l’émotion et des intérieurs dévastés, penseur de la poésie, moraliste intransigeant, témoin vibrant et rebelle, critique d’art le plus avisé de sa génération ; nul ne fut plus secret que Pierre Reverdy, le poète rugueux à la voix rocailleuse, qui gratte de l’ongle la peau du monde, ce tissu friable. Les HSE ont rendu un hommage appuyé et mérité à Pierre Reverdy (qui, à la suite de Baudelaire, a inscrit la poésie parmi les besoins vitaux de l’homme), dans le dossier que Christophe Dauphin lui a consacré dans Les HSE 32, 3ème série, 2011. À lire : Œuvres complètes, deux volumes (Flammarion, 2010).

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).

Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules

Patrice CAUDA, Gaston PUEL, Jean-Pierre DUPREY n° 11	Dossier : PIERRE REVERDY et la poétique de l'émotion n° 32